La crise de du système éducatif sévit bien avant le déclenchement de l’épidémie. Le Covid-19 n’a fait que l’exacerber. A en croire les chiffres avancés par l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant, la révision du système éducatif est une urgence, puisque 60% des élèves de 7 à 14 ans ne savent pas compter et 30% ne savent pas lire !
Deux années durant, les élèves ont vécu au rythme de la pandémie. La fermeture des écoles et les interruptions récurrentes des cours ont eu pour effet de perturber l’ensemble du système éducatif et d’altérer durement les capacités d’apprentissage des apprenants, notamment chez les plus démunis. La pandémie a en effet creusé la fracture numérique entre ceux qui ont accès à un ordinateur et à internet et ceux qui en sont privés. Interruption des cours, fermeture des écoles, adoption du système de groupes, suppression des récréations, les élèves ont dû subir les revers d’une crise sanitaire planétaire dont les répercussions seront durables. Selon l’Unesco, plus de 100 millions d’enfants dans le monde n’atteindront pas le niveau minimum de compétence en lecture.
La crise du système éducatif national public remonte toutefois à plus loin. Le Covid-19 n’a fait que l’exacerber. Quant au processus de réforme entamé en 2015, il a subi un coup d’arrêt brutal. A en croire les chiffres avancés par l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant, la révision du système éducatif est une urgence, puisque 60% des élèves de 7 à 14 ans ne savent pas compter et 30 % ne savent pas lire !
Capitaliser sur les résultats d’un processus déjà amorcé
Si toutes les parties prenantes font le même constat quant aux défaillances du système éducatif, c’est loin d’être le cas côté réformes. Le ministre de l’Education, Fethi Sellaouti, vient d’annoncer toutefois l’allègement des programmes scolaires. “Depuis 2002, aucune révision des programmes scolaires n’a été effectuée. Depuis vingt ans, on utilise les mêmes manuels. Ce n’est pas acceptable”, a-til tranché. Une révision qui semble consensuelle. Celleci prendra-t-elle en compte les recommandations du processus de réforme entamé en 2015 ?
Pour l’heure, rien n’a filtré. Selon Abdelbasset Ben Hassen, président du Conseil d’administration de l’Institut arabe des droits de l’homme — cheville ouvrière du processus de réforme —, il est impératif de reprendre le travail déjà fait. « Balayer d’un revers de main tout ce qui a été, jusque-là, réalisé est une faute grave », soutient-il. Pour rappel, ledit processus a été piloté par un comité composé de représentants du ministère de l’Education, de l’Ugtt et du réseau associatif “Ahd”, dirigé par l’Institut arabe. A cette occasion, un débat national a donné lieu à l’élaboration d’un rapport sur la réforme de l’éducation nationale. Une quinzaine de comités techniques a planché sur les problématiques qui entravent, à plusieurs niveaux le bon fonctionnement du système scolaire.
En 2016, un projet de loi cadre a donc été présenté au gouvernement. Deux ans après, le processus est stoppé net. “Nous avons assisté ces deux dernières années à une rupture du processus. En cause, l’instabilité politique et l’intermittence du rythme des réformes en passe de devenir, malheureusement, une culture”, regrette M. Ben Hassen, dans une déclaration à La Presse. Il serait plus judicieux, selon lui, de capitaliser sur les résultats recueillis et de reprendre le processus des réformes arbitrairement interrompu. “Ce serait une faute grave que de tout reprendre depuis le début, met-il en garde. Cela risque d’écorner l’image de l’Etat. Il est possible de proposer des révisions, mais il n’est pas question d’ensevelir un travail fin prêt. Ce serait envoyer un message négatif aux cadres tunisiens qui ont travaillé dur pendant des années sur cette réforme. Est venu le temps de dépasser cette culture des éternels recommencements”, a-t-il abondé.
Une plateforme numérique pour réviser les cours
Sur le plan pédagogique, il est important d’éviter les interruptions des cours. C’est ce qu’a affirmé, de son côté, Ezzeddine Zagrouba, directeur général du Centre national des technologies en éducation (Cnte). Le ministère a lancé une plateforme numérique permettant aux élèves de réviser leurs cours un mois avant la rentrée scolaire. A partir du 15 août jusqu’au 15 septembre, les élèves ont accès à des cours en ligne, sur la plateforme scolarité.éducation.tn. Un service mis en place par le Centre en vue de combler, un tant soit peu, les lacunes générées par la propagation de l’épidémie. «L’évolution de l’épidémie est imprévisible. Pour cette raison, tous les pays ont investi dans l’enseignement à distance, dans l’objectif d’assurer une continuité pédagogique et de s’adapter à des situations exceptionnelles, comme le confinement. Aussi, la rénovation pédagogique exige la transformation numérique, et le passage vers une pédagogie numérique”, affirme M. Zagrouba à La Presse.
Une plateforme numérique ouverte aux élèves accueille des classes virtuelles via une simple inscription, indépendamment de leurs régions et des établissements scolaires qu’ils fréquentent. “Si un élève de Gabès désire participer à un cours dispensé par un enseignant de Tunis, il n’a qu’à s’inscrire à la classe virtuelle de son choix créée par l’éducateur”, assure le directeur général du Cnte. Une application disponible à tous les éducateurs désireux d’encadrer les élèves. Chaque professeur peut créer des classes virtuelles pour enseigner les disciplines qu’il juge nécessaires. Pour l’heure, 170 enseignants (seulement) se sont inscrits sur la plateforme, dont 120 ont pu bénéficier d’une formation à distance assurée par le Cnte. “Il est vrai que le nombre des enseignants adhérents est faible, mais c’est un noyau de départ. D’habitude, les parents recourent aux cours particuliers pour préparer leurs enfants à la rentrée scolaire. Là, il s’agit d’un service numérique gratuit offert par le ministère et auquel tous les parents et les élèves peuvent accéder facilement”, se félicite Ezzeddine Zagrouba. Il a été décidé d’abandonner le système d’enseignement alternatif qui a eu des répercussions négatives sur la capacité d’apprentissage des élèves. Toutefois, le bon déroulement de l’année scolaire, qui débute normalement le 15 septembre prochain, reste tributaire de la situation épidémiologique. Grâce à l’intensification des campagnes de vaccination, qui ciblent notamment le personnel enseignant et les élèves, on peut espérer une décrue épidémique en milieu scolaire et sur le plan national. C’est de bon augure pour la suite.
Miled
19 août 2021 à 13:38
Il s agut d une crise grave de l education dans notre pays qui ne fait que s aggraver par l excès d improvisation, le calcul politicien et les blocages idéologiques. L éducation est une affaire cruciale pour les jeunes et pour tout le pays qu il faut traiter urgemment et ne pas la laisser au bon vouloir des seuls professionnels ou au gré des changements politiques.
Pour se faire une idée sur l echec programmé de l education, je recommande le livre « Carnet d’Ecoles » de Miled Hassini, publié aux Éditions Arabesques, mai 2021, un témoignage de l intérieur du système analyse pertinente de l état des lieux et des propositions de remediation à la lumière de l expérience de l auteur dans des institutions européennes, américaines, et moyen-orientales.